La mémoire
Mnémosyne et l’origine du mot « mémoire »
Mnémosyne dans la mythologie grecque
Dans la Théogonie (v. 76-79 et 135-136) du poète grec Hésiode (VIIIème siècle avant J.-C.), la mémoire possède un statut divin. La Titanide Mnémosyne, fille d’Ouranos (Ciel) et de Gaïa (Terre), personnifie la Mnémé (mémoire). Elle a inventé le langage et permit à chacun, en nommant chaque chose, de s’exprimer.
Zeus après sa victoire sur les Titans et son accession au trône craint que ses victoires ne tombent dans l’oubli. Qui peut l’aider, si ce n’est Mnémosyne ? Zeus part donc à sa rencontre et est séduit par la muse. De leur union vont naître les 9 muses qui à chaque banquet monteront sur l’Olympe pour chanter les louanges de leur père.
Mnémosyne permit ainsi l’oubli des soucis et des malheurs à travers ses filles instigatrices et protectrices des arts.
Muses | Sens | Compétence |
Καλλιόπη - Calliope | « qui a une belle voix » | éloquence, poésie épique |
Κλειώ - Clio | « qui est célèbre » | épopée, histoire |
Ἐρατώ - Érato | « l’aimable » | élégie, poésie lyrique et chorale |
Ετέρπη - Euterpe | « la toute réjouissante » | musique |
Μελπομένη - Melpomène | « la chanteuse » | chant et tragédie |
Πολυμνία - Polymnie | « celle qui dit de nombreux hymnes » | chants nuptiaux, funéraires, rhétorique |
Τερψιχόρη - Terpsichore | « celle qui charme le chœur » | danse, chant choral |
Θάλεια - Thalie | « la florissante, l’abondante » | poésie pastorale, comédie |
Οὐρανία - Uranie | « la céleste » | astrologie, astronomie |
Son culte était répandu dans le Péloponnèse, en particulier à Olympie. Au sanctuaire de Lébadée coulaient deux sources, l’une dédiée à Léthée (Oubli), l’autre à Mnémosyne (Mémoire). Pour oublier les soucis, les pèlerins buvaient à la première et pour se souvenir buvaient à la seconde. Cette histoire nous est parvenue grâce au géographe grec Pausanias (IX, 39-8).
Chez les Grecs anciens et cela perdurera jusqu’à la Renaissance, la mémoire est synonyme de connaissance et non de « par cœur ». C’est à partir de Mnémosyne que sont formés les mots liés à la mémoire. Certains mots scientifiques ont même conservé leur racine grecque intacte comme « mnésique », l’art de conserver la mémoire , « mnéstique », récit des antécédents médicaux ou encore « amnésie » signifiant la perte de mémoire.
Mnémosyne dans l’art
Mnémé est beaucoup moins représentée dans l’art que ses 9 filles, les Muses.
Mosaïque d'Antioche, Worcester Art Museum, Massachusetts, États-Unis, n° d’inv. 1936.26 |
Cette mosaïque datée du IIème- IVème siècle av. J.-C., trouvée dans une tombe, représente six femmes lors d’un banquet sans doute funéraire comme l’indique l’inscription en haut à gauche AIOXIA (banquet). MNHMOCYNH (Mnémosyne), pourrait ne pas représenter la mère des Muses mais le souvenir de la défunte ou bien la personne elle même a ce prénom. |
Iconologie, ou Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes... Tirée des recherches et des figures de César Ripa, desseignées et gravées par Jacques de Bie et moralisées par J. Baudoin 1636 |
La Mémoire est ici une femme à deux visages, se tenant debout avec une plume dans la main droite et un livre dans la gauche. Ce double visage exprime l’aptitude de Mnémosyne à comprendre les choses passées et futures. Elle conserve le passé et construit ainsi l’avenir. La plume et le livre sont les outils de la transmission mémorielle mais peuvent aussi renvoyer à son rôle dans la désignation des choses. Une deuxième allégorie de la Mémoire est utilisée depuis l’Antiquité et se retrouve chez Aristote, Pline et Virgile. Il s’agit d’une femme d’âge moyen. Aristote déclare qu’à cet âge les hommes retiennent mieux les choses qu’ils ne le font dans leur jeunesse ou dans leur vieillesse. Le chien couché à ses pieds, est un animal qui se souvient longtemps. |
Jean Dominique Ingres, École française, La naissance de la dernière muse, 1856, Aquarelle sur mine de plomb, H.25,7cm ; L.53,2cm. Louvre. |
Cette aquarelle devait préparer le décor du mur du fond d'une maquette de temple polychrome de style grec classique, d'un mètre de haut, que le prince Jérôme Napoléon (frère de Napoléon III) commanda et offrit à sa compagne, la tragédienne Rachel (qui serait représentée à l'extrême-droite sous les traits de Melpomène) ; l'objet figura au Salon de 1859 avant d'être détruit en 1871. L'aquarelle, collée sur cuivre sur le mur du fond de la « cella », fut sauvegardée. |